Description : Description : Description : Description : Description : Description : Description : G:\Ebooks\Fabrication\00TeamAlexandriz\McNEILL,Graham-L'Hérésie d'Horus, Tome 8 Mechanicum Le savoir c'est le pouvoir (2009)\05 McNEILL,Graham-L'Hérésie d'Horus, Tome 8 Mechanicum Le savoir c'est le pouvoir (2009)pour epub_fichiers\image013.jpg

1.07

 

Les travaux sur le décodeur akashique avançaient rapidement. Ils travaillaient tous sans relâche afin que chaque composant de la machine qu'ils étaient chargés de construire soit fabriqué suivant les critères extrêmement stricts de l'adepte Zeth. Dalia retouchait et améliorait ses plans de l'amplificateur d'ondes thêta, et chacun de ses perfectionnements venait s'ajouter aux précédents, permettant ainsi une amélioration exponentielle des performances générales de la machine.

Elle n'avait qu'une notion très vague de la nature exceptionnelle de ses raisonnements et même du fait qu'ils opéraient aux frontières du progrès scientifique connu. Pour elle, il s'agissait simplement de l'application de choses qu'elle avait pu apprendre au fil de ses lectures, tout simplement combinées à ce qu'elle... savait.

Avant sa rencontre avec Koriel Zeth, Dalia n'avait jamais réellement compris comment elle pouvait savoir tant de choses. À présent, avec la révélation de l'existence de l'aether et de ses capacités innées à puiser dans cette dimension, elle ressentait une excitation grandissante à mesure que chacune des pièces du puzzle prenait sa place.

Pourtant, tous les soirs, couchée dans la minuscule hab à un lit qu'on lui avait attribuée, elle s'interrogeait sur les raisons pour lesquelles elle possédait une telle capacité et pas une autre. L'adepte Zeth avait appelé cela une mutation stable de son architecture cognitive, le résultat d'un processus évolutif commencé des milliers d'années auparavant pour se dérouler sur des générations et qui avait fini par résulter en un développement et une croissance particulière de la structure de son cerveau.

L'explication de Zeth semblait trop bien répétée, trop rapide et facile pour être entièrement vraie, et Dalia avait le sentiment que la maîtresse de la cité du magma ne comprenait pas réellement son don (si c'en était un) aussi parfaitement qu'elle voulait bien le dire.

Cependant, même si elle ignorait comment elle était parvenue à développer ce lien, elle cherchait à le développer toutes les nuits en se plongeant dans l'étude de manuels techniques fournis par l'adepte Zeth. Elle lisait des traités abordant la mécanique des fluides, la physique des particules, l'ingénierie mécanique, la biotechnologie, la physique du Warp et d'innombrables autres disciplines. Elle découvrait les lacunes de chacun de ces ouvrages et parvenait même souvent à les combler lorsque les recherches manquaient sur un point particulier ou lorsqu'elles n'avaient pas été menées jusqu'à leur conclusion logique.

Aucun de ces textes ne faisait référence au Dieu-Machine et aucun ne contenait la moindre prière de supplication aux esprits des machines. C'était une omission criante qui la surprenait énormément, d'autant plus lorsqu'elle pensait aux nombreuses années qu'elle avait passées sous la supervision aussi rigoureuse qu'inflexible du magos Ludd.

Au Librarium Technologica, le magos Ludd avait eu une prière appropriée pour les plus minimes et les plus ordinaires des problèmes techniques, depuis le remplacement d'un capaciteur grillé à l'éveil d'un calculateur logique en début d'une nouvelle phase de transcription.

Dalia ne trouvait rien de semblable dans les textes que lui avait confiés Koriel Zeth. En une occasion, alors qu'elles discutaient des perfectionnements possibles du décodeur akashique, elle lui avait posé la question.

— Le Dieu-Machine... avait opiné Zeth. Je me demandais quand le sujet viendrait sur le tapis.

— Oh... j'ai mal fait ? lui avait demandé Dalia.

— Non, pas du tout. Il est bon que vous posiez cette question car elle se trouve au centre de mon œuvre.

Dalia leva les yeux vers le masque de Zeth. Elle aurait vraiment aimé pouvoir voir le visage caché derrière ce masque car il lui était bien difficile de percevoir les humeurs de sa maîtresse à la seule intonation de sa voix. Elle ne savait pas dans quelles proportions Zeth était bionique. Son armure dissimulait toute trace de chair ou d'améliorations mécaniques, et son langage corporel, généralement neutre, ne dévoilait pas grand-chose de son état d'esprit.

— Croyez-vous au Dieu-Machine ? lui demanda-t-elle, pour se sentir aussi naïve qu'une enfant à peine ces paroles prononcées. Je veux dire, si ça ne vous dérange pas que je vous pose cette question.

Zeth se redressa de toute sa taille et prit une pièce de machinerie sur l'établi qui se trouvait devant elle. Dalia vit qu'il s'agissait d'un élément de commutateur électrique.

— Savez-vous ce que c'est ?

— Évidemment. C'est un interrupteur.

— Décrivez-le-moi, ordonna Zeth.

Dalia la regarda comme s'il s'agissait d'une plaisanterie, mais malgré la neutralité habituelle du langage corporel de Zeth, elle vit que celle-ci était parfaitement sérieuse.

— C'est un simple interrupteur, poursuivit-elle. Deux contacts de métal qui se touchent pour fermer un circuit et qui se séparent pour l'ouvrir. Il y a un élément mobile, appelé un actionneur, dont la force permet de mettre les contacts en mouvement, dans ce cas il s'agit d'un bouton à bascule.

— Et comment fonctionne-t-il ?

— Eh bien les contacts sont fermés quand ils se touchent et qu'il n'y a plus d'espace entre eux, ce qui signifie que l'électricité peut passer de l'un à l'autre. Lorsqu'ils sont écartés, ils sont ouverts et aucune électricité ne peut passer.

—Vous avez parfaitement raison. Un simple interrupteur, basé sur des principes très simples d'ingénierie et de physique de base.

Dalia acquiesça de la tête tandis que Zeth continuait à parler, tout en tenant l'interrupteur entre elles.

— Cet interrupteur est peut-être le plus simple exemple de technologie qui se puisse trouver, et pourtant les imbéciles dogmatiques qui perpétuent le mythe du Dieu-Machine voudraient nous faire croire qu'il est imprégné d'une infime parcelle de volonté mécaniquement divine. Ils affirment que si nous voulons faire fonctionner cet interrupteur, nous ne pouvons le faire qu'en apaisant une entité invisible, dont l'existence ne peut pas être démontrée mais doit être acceptée sur la base d'une foi aveugle.

— Mais l'Empereur... n'est-il pas le Dieu-Machine ? L'Omnimessie ?

Zeth se mit à rire.

— Ah, Dalia, vous avez immédiatement trouvé le cœur du débat qui fait rage sur Mars depuis deux siècles ou même plus.

Dalia se sentit rougir, comme si elle venait de dire une grosse bêtise, mais Zeth ne sembla pas s'en apercevoir.

— Les croyances du Mechanicum ont peut-être autant de visages différents qu'il y a d'étoiles au ciel, continua Zeth. Certains pensent que l'Empereur est l'Omnimessie, la manifestation physique du Dieu-Machine. Leurs détracteurs prétendent que l'Empereur n'a fait que prétendre qu'il était leur dieu dans le but de s'assurer leur soutien. Ils pensent que le Dieu-Machine sommeille quelque part, enterré sous les sables de Mars. D'autres encore vont jusqu'à croire qu'en améliorant leurs corps à l'aide de la technologie, ils finiront par transcender la chair et ne feront plus qu'un avec le Dieu-Machine.

Dalia hésita avant de formuler la question suivante, même si elle savait qu'il s'agissait de la suite logique de leur conversation.

— Et vous, que croyez-vous ?

Zeth la regarda longuement, derrière les facettes impénétrables de ses lentilles optiques, comme si elle s'interrogeait sur la nature de la réponse à donner, et Dalia commença à se demander si elle n'avait pas commis un terrible impair.

— Je pense que l'Empereur est un grand homme, un visionnaire, un homme de science et de raison qui possède un savoir bien plus grand que la somme des connaissances de tous les membres du Mechanicum réunis, finit-elle par répondre. Mais je pense aussi qu'il n'est, en dépit de tout cela, qu'un homme. Sa maîtrise de la technologie et son refus de la superstition et de la religion devraient être le phare scintillant qui guide l'union de l'Imperium et du Mechanicum et les conduit vers le futur. Pourtant, nombreux sont ceux qui, sur Mars, s'obstinent à s'aveugler, déterminés à ignorer l'évidence qui leur crève les yeux. Au lieu de cela, ils se ruent dans les bras d'une foi non moins aveugle en un dieu de l'antiquité, un dieu qui n'existe pas, et ils s'y agrippent plus fort que jamais.

À mesure que Zeth parlait, Dalia vit qu'elle s'animait de plus en plus et que la neutralité de son langage corporel laissait place à la passion. Les servocrânes miniatures reliés à ses prises d epaulières s'étaient dressés, et les écrans biométriques de ses bras manipulateurs clignotaient avec insistance.

— Ce que nous ne pouvions qu'imaginer autrefois est aujourd'hui démontré, mais il n'y a pire idiot que celui qui s'accroche à la foi, poursuivit Zeth. Fiez-vous aux faits et à l'évidence empirique. Ne vous laissez pas ébranler par la passion ou la rhétorique sans preuve et sans substance. Tant que nous sommes libres de poser les questions que nous devons poser, de dire ce que nous pensons et de penser ce que nous voulons, la science ne pourra jamais régresser. L'un de mes plus grands regrets est de vivre dans une époque qui tire une fierté immodérée de ses machines pensantes et qui se méfie de ceux qui essaient de réfléchir. Il faut avoir foi en ce que nous savons et en ce que nous pouvons démontrer. Comprenez-vous ce que je veux dire ?

— Je crois, répondit Dalia. C'est comme pour les expériences... tant qu'on n'a pas de preuve, ce n'est qu'une théorie, non ? Tant qu'on n'a pas démontré quelque chose, ça ne veut rien dire.

— Exactement, Dalia ! s'écria Zeth, manifestement ravie. Et maintenant, assez de débats théologiques. Nous avons un travail à terminer.

 

Le prototype de l'amplificateur fut descendu de l'atelier des niveaux supérieurs et soumis à une batterie de tests très intenses dans la forge intérieure de Zeth. Grâce aux siècles d'expérience de Zeth et à la perception intuitive de la structure des machines de Dalia, l'appareil commença à évoluer vers une architecture nouvelle, plus élaborée, à mesure que les résultats de ces tests leur révélaient des difficultés encore insoupçonnées.

Séverine passait ses journées littéralement enchaînée à sa station graphique afin de transposer les idées de Dalia et de Zeth en schémas utilisables. Zouche usinait ensuite les pièces, et Caxton les assemblait. Mellicin organisait leur activité avec son zèle habituel. Même son visage ordinairement si sérieux était illuminé par la joie de la création.

Dalia ne s'était jamais posé la question de la création du point de vue biologique jusqu'au jour où elle descendit travailler sur l'estrade en compagnie de Zouche et de Séverine, comparant les cotes de leurs schémas aux dimensions des appareillages construits par les fabricators de Zeth.

— Les réceptacles des distributeurs de dopamine sont un peu de travers, dit-elle en se penchant sur l'assemblage crânien.

— Bon sang, je le savais ! jura Zouche. Le petit technicien râblé était juste à la bonne hauteur pour voir l'assemblage. Ne faites jamais confiance à un serviteur pour la fabrication, c'est ma devise.

— Je croyais que ta devise, c'était «Utilisez uniquement un laser au dioxyde de carbone pour le découpage» ? lui lança Séverine en adressant un clin d'oeil à Dalia.

— J'en ai plusieurs, des devises. Les gens ont le droit d'avoir plus d'une devise, non ?

— Je suppose, oui, intervint Dalia, surtout quand ils sont lunatiques.

— Lunatiques ? s'exclama Zouche, indigné. Tu aurais du mal à trouver quelqu'un de moins lunatique que moi !

— Et Mellicin ? suggéra Dalia.

— À part elle, concéda Zouche.

— Il est vraiment beau, dit soudain Séverine. Vous ne trouvez pas qu'il est beau ?

Dalia et Zouche échangèrent un regard surpris.

— Qui ça ? demanda Dalia.

De la tête, Séverine lui indiqua l'empathe sanglé dans le trône de l'amplificateur.

— Lui. Vous ne trouvez pas qu'il est beau ? Je me demande comment il s'appelle.

— C'est un psyker. Il ne mérite pas d'avoir un nom, répliqua Zouche avec une moue de dégoût.

Dalia fit le tour de l'amplificateur et vint examiner l'empathe inconscient. Depuis le premier jour où ils avaient posé les yeux sur lui, il n'avait pas bougé d'un iota, et Dalia en était presque venue à le considérer comme un élément mécanique de la machine.

— Je ne m'étais pas vraiment posé la question, répondit-elle, troublée par la pensée d'avoir pu traiter un être humain de manière aussi clinique et détachée. Je suppose que tu as raison.

Séverine sourit.

— Non, bien sûr. Tes pensées sont occupées par un seul homme, hein ?

— Qu'est-ce que tu racontes ? riposta Dalia, mais son regard glissa en direction de l'un des établis de métal sur le pourtour de la chambre, où Caxton était en train de remonter l'un des panneaux de contrôle de l'émetteur.

— Aha ! Tu le sais parfaitement ! s'écria Séverine triomphalement.

— Absolument pas, répliqua Dalia sans parvenir à s'empêcher de sourire en le disant.

— Tu lui plais aussi. Je vous ai vus vous tenir la main quand nous sommes arrivés ici, la première fois.

— J'ai le vertige, protesta Dalia. Caxton voulait juste...

— Juste ? répéta Séverine en voyant que Dalia s'était arrêtée de parler.

— Le gamin te trouve à son goût, intervint Zouche. Tu es plutôt jolie, et même si je ne suis pas un expert, il n'est plutôt pas mal dans son genre, même si ça ne lui ferait pas de mal de se remplumer un peu. Vous feriez de beaux enfants, et ils seraient probablement intelligents, par-dessus le marché. Oui, tu devrais te mettre en couple avec lui et... Quoi ?

Dalia et Séverine fixaient toutes les deux l'expression querelleuse de Zouche, et elles se mirent à rire.

— Tu ne traînes pas en besogne, pas vrai, Zouche ? C'est comme ça qu'on fait la cour aux femmes en Yndonésie ? lui demanda Séverine.

Zouche bomba le torse.

— Dans l'atoll-esclave de mon clan, on n'avait pas le temps pour ces choses-là.

— Mais alors, comment est-ce qu'on se choisissait une épouse ? dit Séverine.

— Ou un époux ? ajouta Dalia.

— Choisir ? s'exclama Zouche d'un ton à la fois moqueur et méprisant. On ne choisissait pas. Je viens de Nusa Kambangan, où les enfants sont génétiquement répertoriés à la naissance. Quand ils atteignent l'âge requis, on les apparie avec un partenaire aux gènes compatibles de manière à former un couple qui aura les meilleures chances de produire des enfants dont les capacités bénéficieront au collectif.

Aux yeux de Dalia, une telle notion de sélection programmée semblait totalement déplaisante, mais elle essaya de ne pas laisser paraître ses sentiments dans son intonation.

— Mais alors l'attirance ? L'amour ?

— Quoi l'amour ? répondit Zouche. Tu crois que c'est plus important que la survie ? Je ne pense pas.

— Les gens ne tombent jamais amoureux, là d'où tu viens ?

— Parfois, admit Zouche.

Dalia vit palpiter l'ombre d'une indéfinissable émotion sur son visage ordinairement impassible.

— Oui, dit Séverine. Et que se passe-t-il si une personne tombe amoureuse de quelqu'un qui n'est pas adapté ?

— Ils ont des enfants de souche génétique inférieure, aboya Zouche. Et ils sont punis. Sévèrement punis. Assez de questions, on a du boulot à terminer, oui ou non ?

Dalia eut un mouvement de recul devant la véhémence de Zouche, et elle échangea un regard inquiet avec Séverine. Celle-ci se contenta de hausser les épaules et se replongea dans la contemplation de l'empathe inconscient.

— Je pense tout de même qu'il est très beau, répéta-t-elle.

 

Enfin, la phase finale d'itération de la machine se présenta. Les dernières erreurs furent corrigées, et les ultimes perfectionnements mis au point par Dalia et Zeth furent intégrés au modèle. Sous la supervision experte de Mellicin, le premier modèle opérationnel fut terminé avec deux jours d'avance sur le programme, et le trône doré installé sur l'estrade fut remplacé par le nouvel appareil.

On fit tourner des diagnostics sur chacune des pièces de la machine, sans avoir besoin de recourir à des prières, des onguents sacrés, des psalmodies ou des huiles bénies. Chaque élément fonctionnait exactement comme ils l'avaient espéré ; dans certains cas, les capacités de l'appareil dépassaient même leurs espoirs les plus fous.

Deux jours après que Caxton ait terminé d'assembler et d'installer le dernier circuit imprimé, l'adepte Zeth déclara qu'ils étaient prêts à entamer un test complet et ordonna que l'on réveille l'empathe de son sommeil artificiel.

 

Un bourdonnement grave et rythmique envahit la chambre lorsque les générateurs alimentés par le lac de lave commencèrent à rediriger un énorme flot d'énergie vers le décodeur akashique. Sous le grand dôme, l'atmosphère devint électrique, comme poisseuse, et les émetteurs placés entre les caissons muraux dans lesquels dormaient les psykers se mirent à crépiter, environnés d'éclairs argentés.

Deux serviteurs musculeux soulevèrent l'empathe, toujours inconscient, du brancard sur lequel il était étendu et l'installèrent avec douceur sur le siège capitonné de l'amplificateur d'ondes thêta qui venait d'être mis en place. Dalia et Mellicin observèrent Zeth qui se penchait sur l'homme et le branchait sur l'appareil, avec des gestes pleins de grâce et d'empressement. Au-dessus de sa tête, la noosphère était parcourue d'une foule de petites étincelles lumineuses à peine visibles, et Dalia se demanda quel genre d'informations recevait le cerveau de Zeth et d'où elles pouvaient provenir.

Elle reporta son attention sur l'empathe. Ses paupières palpitaient et sa conscience commençait à remonter à la surface de son esprit, à présent qu'il était débarrassé des drogues qui le maintenaient en léthargie. Durant la période de mise au point de l'amplificateur, il avait perdu du poids et l'air de bonne santé qu'il avait lorsqu'ils étaient arrivés. À présent, il ressemblait plus aux silhouettes enfermées dans les caissons du dôme.

À force de travailler sans arrêt sous leur regard aveugle, il leur avait été facile d'oublier que les psykers étaient des êtres humains, même s'il s'agissait d'individus forts dangereux dotés de pouvoirs dépassant de loin ceux des mortels ordinaires. Mais à présent que le moment était venu d'effectuer le premier test du décodeur équipé de son amplificateur, Dalia sentit monter en elle un sentiment protecteur inattendu envers leur public silencieux.

— Est-ce que ça risque de leur faire du mal ? demanda-t-elle en pointant le doigt dans la direction des milliers d'hommes et de femmes au-dessus de leurs têtes.

— L'expérience risque d'être éprouvante pour eux, je pense, répondit Zeth sans lever les yeux. Certains n'y survivront pas.

L'indifférence de cette réponse glaça le sang de Dalia qui sentit une boule de colère se former dans son estomac. Elle pinça les lèvres en regardant le visage serein de l'empathe.

— Et lui ? Est-ce qu'il va mourir pour faire fonctionner cette machine ?

Zeth releva enfin les yeux. Son expression était aussi impénétrable qu'à l'accoutumée derrière son masque clouté.

— Une rapide analyse vocale me laisse penser que vous vous sentez préoccupée pour le bien-être de cet individu. Est-ce exact ?

— Oui, répondit Dalia. Je n'aime pas l'idée de faire souffrir des gens à cause de ce que nous sommes en train de faire ici.

—Vraiment ? Le processus est un peu avancé pour commencer à se soucier de cela, riposta Zeth.

— Je sais. Et je regrette de ne pas y avoir pensé avant, mais ça ne m'était pas venu à l'esprit.

— Eh bien le sujet est donc clos.

— Mais ça va le tuer, pas vrai ?

— Pas si votre appareil fonctionne comme je le pense, dit Zeth. L'amplificateur d'ondes thêta devrait étendre ses capacités d'apprentissage dans une proportion exponentielle, très supérieure à la quantité de données qu'il recevra.

Zeth eut un geste en direction de la multitude de capteurs vox et d'enregistreurs de données installés autour de l'estrade.

— En théorie, il ne sera qu'un vecteur de transmission qui fera passer les informations de l'aether à ces appareils d'enregistrement.

— Tant mieux, dit Dalia. Je n'aime pas l'idée de le voir souffrir.

— Moi non plus, intervint Mellicin dans une rare expression d'émotion.

— Votre compassion est tout à fait louable, même si elle est déplacée, leur assura Zeth tandis qu'un flot de données clignotantes arrivait dans sa noosphère. Maintenant, terminez la procédure de réveil de l'empathe. L'adepte Maximal vient d'arriver et il désire observer et vérifier nos résultats.

Zeth se redressa et descendit de l'estrade, laissant Dalia et Mellicin seules avec l'empathe.

— Bon, tu as entendu ce qu'elle a dit. Finissons-en, d'accord ?

— Tu n'es pas inquiète, toi ? demanda Dalia. Tu t'en moques, qu'il souffre ?

— Bien sûr que non, mais ça ne change pas grand-chose, hein ? Comme l'a dit l'adepte, il est un peu tard pour se poser des questions. C'est toi qui as fabriqué cet appareil, après tout.

— Je sais bien, mais quand c'était juste théorique, ça ne semblait pas si... je ne sais pas... si réel.

— Pourtant, je peux t'assurer que nous sommes bien dans le monde réel, Dalia, dit Mellicin. Nous l'avons construit, et nous ne pouvons pas ignorer le fait qu'il s'agit potentiellement d'un instrument très dangereux. Et pas seulement pour ces pauvres malheureux.

— Pour qui d'autre pourrait-il être dangereux ? lui demanda Dalia, interloquée.

Mellicin lui sourit avec indulgence. La moitié humaine de son visage prit une expression d'une douceur que Dalia ne lui avait jamais vue.

— Ah Dalia, tu es tellement intelligente dans une quantité de domaines et tellement innocente dans d'autres. Pense à ce que nous pourrons apprendre grâce au décodeur akashique. En accédant aux secrets de l'aether, nous pourrons élever l'humanité jusqu'à un nouveau degré de compréhension de l'univers.

— Et c'est mauvais, ça ?

— Bien sûr que non, mais tu peux être sûre que le savoir que Zeth parviendra à acquérir grâce à cet appareil sera utilisé pour produire des armes de guerre plus puissantes que tout ce que nous pouvons imaginer, c'est inévitable.

Dalia eut l'impression de tomber dans un bain d'eau glacée, comme si la température de la grande chambre était soudainement devenue aussi froide que celle d'un désert gelé.

— Je vois que tu commences à comprendre, poursuivit Mellicin. C'est la question éthique à laquelle tous les partisans du progrès scientifique se trouvent confrontés un jour ou l'autre. Nous menons nos recherches dans l'intérêt de la découverte et du savoir, mais nous ne pouvons ignorer les usages que l'on fera de nos découvertes dans le monde réel.

— Mais...

— Il n'y a pas de mais, Dalia, coupa Mellicin en lui prenant la main. L'adepte Zeth va effectuer ce test, que cela te plaise ou non. Alors le mieux que nous puissions faire, c'est nous assurer que notre empathe s'en sortira aussi bien que possible, d'accord ?

— Je suppose que tu as raison, acquiesça Dalia en se penchant pour ajuster le débit des stimms injectés dans le cerveau de l'empathe. Mais jure-moi que nous n'utiliserons le décodeur akashique que pour apprendre des choses qui seront bénéfiques pour l'Imperium.

— Je ne peux pas te promettre une telle chose. Personne ne le peut, mais je suis convaincue qu'un jour nous créerons une machine ou une force dont le potentiel sera si redoutable, dont l'usage pourra avoir des conséquences si terrifiantes, que même l'humanité, pourtant si acharnée depuis si longtemps à sa propre autodestruction, sera épouvantée et qu'elle abandonnera l'idée de guerre pour toujours. Ce que notre intelligence est capable de fabriquer, j'espère seulement que notre force de caractère pourra le contrôler.

— J'aimerais que tu aies raison, répondit simplement Dalia.

— Suis-je... suis-je... mort ? murmura l'empathe.

Les deux femmes sursautèrent violemment en portant leurs mains à leur bouche et à leur poitrine. Les paupières de l'empathe frémirent et s'ouvrirent péniblement. Il leva les yeux vers elles.

Mellicin fut la première à reprendre ses esprits, et elle se pencha sur lui.

— Non, vous n'êtes pas mort. Vous venez tout juste de sortir d'un état de stase induit par différentes médications. En ce moment, des stimulants sont en train de chasser de votre organisme les derniers résidus de pentobarbital, ce qui signifie que les fonctions supérieures de votre encéphale devraient être restaurées rapidement.

Dalia lui lança un regard exaspéré et se pencha à son tour sur l'empathe.

— Elle veut dire que tout va bien. Vous avez dormi et nous venons de vous réveiller. Savez-vous où vous êtes ?

L'homme cligna des paupières dans la lumière brutale de la grande salle, et Dalia vit que ses pupilles étaient encore totalement dilatées. Elle lui abrita les yeux de la main et il lui sourit avec gratitude.

— Désolée, la lumière est un peu forte.

— Forte, oui, répéta l'empathe. Ses yeux allèrent de droite à gauche, perdant graduellement l'aspect vitreux qu'ils avaient eu lorsqu'il s'était éveillé. C'est le décodeur akashique, n'est-ce pas ?

— Oui. Vous savez ce qu'il est censé faire ?

— Je sais, répondit l'homme tandis que Mellicin installait l'appareillage crânien sur sa tête. L'adepte Zeth m'a tout expliqué lorsqu'elle m'a choisi pour être le conduit.

— Je me nomme Dalia. Et vous ?

— Jonas. Jonas Milus, répondit-il avec un sourire. Dalia vit que Séverine avait raison. Il était vraiment très beau. Je vous serrerais bien la main, mais...

Dalia sourit. C'était un trait d'humour un peu forcé, mais l'effort qu'il faisait était appréciable, même si le côté pervers de la situation ne lui échappait pas devant cet homme qui tentait de la rassurer alors qu'il était sanglé dans un appareil qui n'avait jamais été véritablement testé sur un être humain.

— Est-ce que l'expérience va commencer ? Je pense que oui, puisque vous m'avez réveillé.

— L'adepte Zeth est sur le point d'entamer le premier test en grandeur réelle de notre nouvelle machine, répondit Mellicin tout en ajustant les dernières sangles.

— Excellent ! s'exclama Jonas, et Dalia fut surprise du contentement qu'elle entendit dans sa voix.

—Vous n'êtes pas inquiet, lui dit-elle en ignorant le coup d'œil irrité de Mellicin.

— Non. Je devrais ?

— Non, non, bien sûr que non, répliqua vivement Dalia. Je ne pense pas. La machine a passé tous les tests, et tous les résultats de nos simulations laissent penser qu'elle devrait fonctionner à la perfection.

— Est-ce que vous avez été impliquée dans cette opération ? lui demanda Jonas.

— Eh bien, oui. J'ai en quelque sorte conçu le siège dans lequel vous êtes assis.

— Alors je ne m'inquiète pas, répondit Jonas.

— Non ?

— Non, reprit-il, parce que je peux sentir votre compassion et votre sollicitude pour moi. Je sais que vous êtes inquiète pour ma vie, mais je peux aussi sentir que vous avez fait tout ce qui était en votre pouvoir pour que cette machine fonctionne en toute sécurité.

— Comment pouvez-vous savoir tout ça ?

— C'est un empathe, Dalia, intervint Mellicin. Ils font ça naturellement.

— Oh. Bien sûr, répondit Dalia avec l'impression d'avoir dit une sottise.

— En fait, j'ai hâte de commencer, reprit Jonas. De pouvoir utiliser mon don pour le bien de l'Imperium. Pour une personne douée de mes capacités, quelle meilleure manière de servir l'Empereur ? Bientôt je saurais tout et je ferai partie d'un projet qui aidera l'humanité à accomplir sa destinée. Je sais que cela sonne d'une manière un peu pompeuse, mais c'est bien ce que nous avons entrepris ici, n'est-ce pas ?

Dalia sourit, soulagée au-delà de toute expression de voir qu'il ne s'agissait pas de contraindre une victime récalcitrante à se sacrifier au service du rêve grandiose de l'adepte Zeth.

— Oui, Jonas, c'est exactement ce que nous essayons de faire.

 

 Tous les Titans en formation derrière Victorix Magna, ordonna le princeps Indias Cavalerio avec un hochement de tête en direction de son timonier. Maintiens-nous en position stable, Lacus.

— Oui, mon princeps, répondit celui-ci en dirigeant la divine machine d'une main experte à travers les dangereux détroits qui s'étendaient autour de la zone criblée de cratères des confins nord d'Ulysses Patera.

— Et surveille les auspex de près, Palus, le terrain est traître par ici.

— Oui, mon princeps, répondit la voix du sensori depuis sa capsule, au sommet du compartiment d'équipage du Warlord.

L'intonation du sensori n'échappa pas à Cavalerio. Il savait qu'il faisait preuve d'une circonspection excessive et qu'il en faisait trop en donnant des instructions inutiles à ses hommes d'équipage.

Victorix Magna était un très ancien Titan. Il avait été rafistolé, réparé et réarmé des milliers de fois au cours de sa longue existence guerrière. Son cœur vaillant brûlait toujours, plein de fierté, mais il était très vieux, et Cavalerio se demanda combien de fois ils marcheraient encore ensemble.

En réalité, le Victorix n'aurait pas dû quitter l'atelier où les mécaniciens de la legio prenaient soin de lui, mais après l'attaque contre le réacteur de l'adepte Maximal, la Legio Tempestus ne pouvait guère se permettre de laisser courir le moindre risque à ses autres réacteurs sur les flancs du cratère ou le long des canyons d'Ulysses Fossae.

Sans ces réacteurs, ils auraient de grandes difficultés à maintenir les machines de sa bien-aimée legio en état de marche. L'instigateur de cette attaque avait fait preuve d'une précision diabolique, s'attaquant au réacteur qui fournissait le plus d'énergie à la forteresse de Tempestus, dans les flancs d'Ascraeus Mons.

Il était allongé dans une couchette moulée à ses mesures. Ses bras et son crâne étaient gainés de câbles et d'implants haptiques qui lui couraient sous la peau comme des vers d'argent. Ce type de connexion physique était en train de tomber en désuétude. Certains princeps considéraient même cela comme un archaïsme. Un bon nombre d'entre eux avait déjà choisi de vivre en immersion totale dans une cuve amniotique qui permettait aux données de circuler comme un liquide dans un monde virtuel. Mais lui, pour sa part, préférait de beaucoup la sensation d'une connexion physique avec la machine qu'il commandait.

Il n'ignorait pas que l'atrophie graduelle de son corps l'obligerait bientôt à accepter d'être placé dans une cuve de ce genre. Il n'aurait plus le choix, car il ne serait bientôt plus capable d'endurer la douleur et le stress imposés par de trop nombreuses séparations.

Cependant, ce jour n'était pas encore arrivé et il mit cette pensée de côté pour se concentrer sur sa mission.

Lorsqu'il était relié au multiface, Cavalerio voyait le monde qui l'entourait comme si le corps immense de Victorix Magna était fait de sa chair et de son sang. Le panorama stérile et constellé de cratères de la planète rouge s'étendait à l'infini autour de lui. Au sud-ouest, il apercevait les plaines blafardes et cendreuses du pallidus et les pentes escarpées et semées d'éboulis des cratères jumeaux sur lesquels se dressaient les édifices de la forge de Maximal, comme un empilement de tours boursouflées.

Devant lui, les bidonvilles des sous-ruches se répandaient dans les Gigas Sulci et emplissaient le paysage d'un enchevêtrement de tours, de blocs d'habs et de masures miteuses où régnait une chaleur étouffante. C'était là qu'habitaient les millions d'ouvriers qui travaillaient jour et nuit dans les manufactoria du fabricator général, sur les pentes altières et battues par les éclairs d'Olympus Mons.

Cela faisait plusieurs jours que le domaine de Kelbor-Hal était environné de sombres nuées orageuses et que des éclairs pourpres s'abattaient avec des claquements rageurs sur les pentes et les forges. Il n'avait pas la moindre idée de la nature des expériences auxquelles était occupé le fabricator général, mais il n'y avait aucun doute sur le fait qu'elles étaient responsables de phénomènes atmosphériques vraiment abominables et qu'elles perturbaient le trafic voxsur des milliers de kilomètres à la ronde.

Tous les canaux de communication grouillaient d'émissions de codes erratiques, hachées, qui sonnaient comme un choeur de voix insistantes compressées pour être émises sur une seule fréquence. Il avait fallu assourdir le volume du vox tant ce brouhaha de crissements sans suite et sans signification lui donnait la migraine.

Chassant le fabricator général de son esprit, Cavalerio tourna son regard augmenté en direction du sud, très loin, vers l'endroit où d'épais nuages montaient du champ de raffineries de la Daedalia Planum, étouffant tout ce qui se trouvait en dessous d'eux et obscurcissant l'horizon d'un crépuscule perpétuel.

Les trois immenses Titans bleu cobalt avançaient d'un pas égal le long de la frontière séparant les territoires du fabricator général et d'Ipluvien Maximal, parcourant la terre à longues enjambées, semblables à trois géants de légende.

À sa gauche marchait Tharsis Hastatus, le majestueux Warlord que commandait son frère d'armes, le princeps Suzak. Hastatus était une machine d'une puissance meurtrière, et Suzak était un homme de confiance sur lequel on pouvait compter lorsqu'il s'agissait de porter le coup fatal au moment le plus opportun.

À sa droite venait le Reaver Arcadia Fortis, rapide et impétueux, légèrement en avance sur le groupe. Son princeps, Jan Mordant, était un chasseur fougueux, un guerrier tout récemment promu après avoir exercé la princepture d'un Warhound et qui n'avait pas encore perdu son goût pour les opérations en solitaire.

— Resserre la formation, Mordant, ordonna Cavalerio. Mon sensori m'informe que le terrain est glissant et que des plaques de sable se sont formées sur les crevasses. Je n'ai pas envie d'avoir à appeler une grue pour relever ta machine une fois qu'elle se sera retrouvée le cul par terre.

La réponse arriva, aussi sèche que brève. La voix de Mordant était brouillée par des crissements et des sifflements d'interférence.

— Compris.

Mordant n'était pas encore tout à fait habitué aux particularités de son nouvel engin. Ils en étaient encore à se jauger mutuellement, lui et sa machine, et ses réponses étaient généralement brusques. S'il tolérait ce comportement, c'était uniquement parce que Mordant était l'un de ses meilleurs éléments et que son tableau de chasse n'était surpassé que par le sien.

— Il se voit toujours comme un pilote de Warhound, hein ? lança Kuyper, le moderati du Magna.

— C'est vrai, acquiesça Cavalerio, mais Y Arcadia ne tardera pas à le guérir de ce petit travers. Il est rude, notre Arcadia, il n'y pas de doute là-dessus. Des nouvelles de Basek ?

— Rien encore, mon princeps, répondit Kuyper en consultant le journal du vox.

— Sensori, avez-vous une position pour Vulpus Rex ?

— Je crois que oui, mon princeps, répondit Palus, mais ces maudites perturbations atmosphériques me rendent la tâche difficile, et j'ai du mal à conserver la localisation. Et la vision de notre vieux guerrier n'est plus ce qu'elle était.

— Ça ne me satisfait pas, Palus, le réprimanda Cavalerio. Trouvez-le. Immédiatement.

— Oui, mon princeps, répondit Palus.

Il laissa quelques instants de répit à son sensori avant de renouveler sa demande.

—Vous l'avez à présent ?

— Il est plus au sud, répondit Palus avec un certain soulagement dans la voix. Il rôde dans les parages des sous-ruches de la Gigas, vers le bout de la voie du Barium.

— Un excellent endroit pour une embuscade, nota Kuyper. Si quelque chose doit nous tomber dessus, ce sera probablement de ce côté.

— Et Basek sera là pour les recevoir, ajouta Lacus le timonier avec délectation.

Cavalerio hocha la tête. Basek était aux commandes de Vulpus Rex, le meilleur Titan Warhound de la Legio Tempestus, un tueur véloce, bien plus dangereux que sa silhouette ramassée et son allure farouche ne pouvaient le laisser penser et qui était venu à bout de machines bien plus imposantes que lui.

Il appela la cartographie des zones environnantes au moyen du multiface et les superposa à l'aperçu topographique que lui fournissaient les sens du Titan. Kuyper avait bien estimé la situation. Seule la voie du Barium était suffisamment large pour permettre à une machine de passer sans démolir la moitié des zones habitées.

Toutefois, les contours illuminés qui marquaient les frontières du dédale des sous-ruches n'avaient pas été remis à jour depuis un moment, et ses plans étaient probablement inexacts. Cela ne payait jamais de se montrer négligent lorsqu'il s'agissait de la sécurité d'une machine. Les démolitions et les reconstructions étaient si fréquentes dans les sous-ruches que la plupart des plans étaient à revoir quasiment journellement.

— Changement de trajectoire, cap au deux-deux-cinq, ordonna Cavalerio.

Il sentit frémir ses muscles, et la puissante silhouette de Victorix Magna pivota et prit la direction qu'il venait d'indiquer d'un pas majestueux, le long de la frontière du domaine de Maximal.

— Magos Argyre, le statut de notre réacteur ?

— Estimation : précaire, répondit Argyre, le technaugure du Titan, immobile dans son compartiment arrière, derrière la chaire du princeps. Nous n'aurions pas dû sortir, princeps Cavalerio. L'esprit du réacteur est inquiet. Il était dangereux de se mettre en marche ainsi, sans avoir récité la litanie complète des prières d'apaisement afin d'amadouer son cœur troublé.

— J'en prends note, magos, répondit Cavalerio. Ralentissons le pas et passons en allure réduite.

— Allure réduite, répéta Argyre.

Il étudia leur environnement à travers les multiples filtres du multiface, absorbant les données des senseurs de pression, des analyseurs atmosphériques, des panneaux infrarouges et des récepteurs de micro-ondes. Sa perception du monde environnant était sans égale, sa conscience supérieure à celle de toutes les entités qui pouvaient se trouver sur les plaines de Mars.

Il essaya de rester concentré sur le terrain, car la région qui entourait la forge de Maximal était dangereuse et le terrain perfide sous le pied, mais il se rendit compte que ses yeux étaient sans cesse attirés par le ciel pollué et tuméfié, au-dessus d'Olympus Mons.

— Qu'est-ce que tu mijotes, Kelbor-Hal ? marmonna-t-il.

— Oui, mon princeps ? répondit Kuyper.

— Hmmm ? Oh, rien, je parlais tout seul, répliqua Cavalerio.

Kuyper avait perçu l'intérêt qu'il portait à Olympus Mons. Leur connexion commune au multiface faisait qu'il ne pouvait exister aucun secret entre eux.

— C'est la Grande montagne, n'est-ce pas ? lui demanda Kuyper en utilisant l'ancien nom que donnaient les pilotes des Titans à Olympus Mons.

Le moderati se tortilla dans sa couche inclinée, située dans le menton du Warlord, et se retourna pour regarder son princeps en face.

— Quelque chose la tourmente.

— La Grande montagne, oui, répéta Cavalerio. La voix de Mars s'exprime à travers elle, et elle est tourmentée.

— Mon princeps ! s'écria le sensori Palus. Appel vox d'Ascraeus Mons. Le princeps Sharaq demande à vous parler de toute urgence !

— Connectez-le via le multiface, ordonna Cavalerio.

Un halo de points verts et luminescents se coagula devant ses yeux et se concentra, faisant apparaître l'image de Sharaq, debout dans la chambre du Premier-né. L'image vacillait, comme brouillée, et ses paroles étaient entrecoupées, comme portées par un code tronqué.

— Que se passe-t-il, Sharaq ? lui demanda sèchement Cavalerio. Nous sommes en mission.

— Je sais, Seigneur des tempêtes, mais vous devez revenir à Ascraeus Mons dans les plus brefs délais.

— Revenir ? Pour quelle raison ?

La réponse de Sharaq fut noyée par un grincement de code suraigu, semblable à un rugissement de rage bestiale, et son image ondula, distordue, comme sous l'effet d'une vague de chaleur insoutenable.

— ...Mortis. Ils sont en marche !

— Comment ? Répétez ! aboya Cavalerio.

Tout à coup, l'image de Sharaq redevint tout à fait nette, ses paroles résonnèrent comme s'il se tenait devant lui.

— La Legio Mortis, répéta Sharaq. Leurs machines sont sorties. Ils marchent sur Ascraeus Mons.

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